Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

passer leur loi, il fait publier, pour ce jour-là même, une levée de troupes, et il appelle le peuple du Forum au Champ-de-Mars, avec menace de fortes amendes pour ceux qui n’auraient pas obéi. Les tribuns, de leur côté, opposent menaces à menaces : ils jurent de le condamner lui-même, s’il s’obstine à empêcher le peuple de voter la loi, à une amende de cinquante mille as[1]. Soit qu’il redoutât un nouvel exil et une seconde condamnation, comme chose ignominieuse pour un vieillard, pour un homme qui s’était illustré par tant d’exploits ; soit qu’il se crût incapable de lutter contre le vœu énergique de la multitude, Camille se retira chez lui, et, quelques jours après, alléguant sa mauvaise santé, il abdiqua la dictature. Le sénat lui nomma un successeur[2] ; et celui-ci choisit pour général de la cavalerie Stolon, le chef même de la sédition, et lui permit de faire passer une loi qui exaspéra les patriciens : cette loi portait défense à tout citoyen de posséder plus de cinq cents arpents de terre. Cette victoire donna un moment à Stolon une morgue insupportable ; mais, peu de temps après, convaincu lui-même de posséder plus de terres qu’il ne permettait aux autres d’en avoir, il fut puni, en vertu de sa propre loi[3].

Restait la question des comices consulaires, l’objet principal et la première cause de la sédition, l’affaire, en un mot, qui donnait le plus d’embarras. La querelle du sénat avec le peuple durait toujours, quand on apprit, par des avis certains, que les Celtes, partis une seconde fois des bords de la mer Adriatique, marchaient sur Rome, précipitamment et avec une armée formidable. Les effets suivirent de près la nouvelle : la guerre avait

  1. J’ai remarqué plus haut que l’as, en ce temps-là, équivalait à une livre de cuivre.
  2. Ce dictateur se nommait Publius Manlius.
  3. Ce ne fut que onze ans après. Il possédait, conjointement avec son fils, mille arpents ou jugères. Il fut condamné à une amende de dix mille as, bien qu’il eût émancipé son fils, afin d’échapper à la loi.