Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/363

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déjà commencé par le dégât de tout le pays ; et ceux qui n’avaient pas eu le temps de se retirer à Rome s’étaient dispersés sur les montagnes. La crainte assoupit la sédition : les nobles et les simples citoyens, le sénat et le peuple, réunis par le danger commun, élurent unanimement Camille dictateur, pour la cinquième fois. Malgré son extrême vieillesse, car il avait près de quatre-vingts ans, il ne vit que la nécessité, et il n’allégua plus, comme auparavant, ni raison ni prétexte : il accepta sans balancer la dictature, et il se hâta de faire les levées. Comme il savait, par expérience, que la plus grande force des barbares consistait dans leurs épées, qu’ils mariaient à la barbare, lourdement et sans dextérité, en taillant presque uniquement épaules et têtes, il arma la plus grande partie de ses soldats de casques de fer poli, sur lesquels les épées des ennemis ne pouvaient manquer de glisser ou de se rompre. Le bois des boucliers des Romains n’était pas assez fort pour résister aux coups ; il les fît border d’une lame d’airain. Il enseigna aussi aux soldats à se servir de longues piques, et à les glisser sous les épées des ennemis, pour prévenir leurs coups de taille assénés d’en haut.

Les Celtes s’étaient arrêtés près de Rome, sur le bord de l’Anio[1] ; et leur camp était embarrassé, gorgé, de l’immense butin qu’ils avaient fait. Camille sort avec son armée, et il va se poster sur une colline dont la pente était douce et coupée de ravins. Il cacha dans les creux la plus grande partie de ses troupes, afin que celles qui étaient en vue eussent l’air d’avoir cédé à la crainte, en se ramassant sur les hauteurs. Pour confirmer les ennemis dans cette opinion, Camille ne les empêcha pas de venir piller jusqu’au pied de la colline, et il demeura coi dans ses retranchements, qu’il avait bien fortifiés. Enfin, ayant vu les ennemis se disperser pour aller au

  1. Le Teverone, qui se jette dans le Tibre, un peu au-dessus de Rome.