Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/495

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à Astyochus, pour se plaindre de ce qu’il avait trahi son secret, et pour s’engager à lui livrer les vaisseaux et l’armée des Athéniens. Mais la perfidie de Phrynichus ne fit point de tort aux Athéniens ; car Astyochus le trahit une seconde fois, et donna avis de tout à Alcibiade. Phrynichus, qui en eut vent, et qui s’attendait à une nouvelle accusation de la part d’Alcibiade, se hâta de le prévenir : il annonça aux Athéniens que les ennemis allaient bientôt arriver ; et il leur conseilla de ne point quitter les vaisseaux, et de fortifier leur camp. Pendant que les Athéniens y travaillaient, arriva une nouvelle lettre d’Alcibiade : il les avertissait d’observer Phrynichus, tout prêt, disait-il, à livrer la flotte aux ennemis. Les Athéniens n’ajoutèrent pas foi à cette accusation : ils crurent qu’Alcibiade, qui savait tous les projets des ennemis, en profitait pour calomnier Phrynichus. Cette fois, ils se trompèrent ; mais, quelque temps après, Hermon, un des hommes du guet, ayant tué Phrynichus d’un coup de poignard sur la place publique d’Athènes, les Athéniens, sur les preuves fournies au procès, condamnèrent Phrynichus, tout mort qu’il fût, comme coupable de trahison ; et ils décernèrent des couronnes à Hermon et à ses complices[1].

Quoi qu’il en soit, les amis d’Alcibiade eurent alors le dessus dans Samos. Ils envoient donc Pisandre à Athènes, pour y changer la forme du gouvernement, et pour encourager les nobles à se saisir des affaires et à détruire l’autorité du peuple, leur promettant qu’Alcibiade, à cette condition, leur procurerait l’amitié et le secours de Tisapherne. Tels furent le prétexte et le motif allégués par ceux qui établirent l’oligarchie. Mais, lorsque les cinq mille, comme on les nommait, quoiqu’ils ne fussent

  1. Plutarque suit ici Thucydide ; mais, d’après Lysias, Phrynichus eut deux meurtriers, Thrasybule et Apollodore ; et l’orateur Lycurgue dit qu’il fut assassiné la nuit, près d’une fontaine.