Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/523

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portes de Corioles ! » Puis il s’élance, accompagné seulement de quelques hommes résolus, au travers des ennemis ; et il pénètre avec les Volsques dans la ville, sans que personne, dans le premier moment, ait osé résister, ni seulement tourner la tête. Bientôt il s’aperçut du peu de Romains qu’il y avait dans la ville ; mais ils étaient engagés, lui et les siens, au milieu des ennemis. Il fit, dit-on, des prodiges incroyables de valeur ; et il déploya une force, une agilité, une audace sans égales. Il renverse tout ce qui se trouve sur son passage, repousse les uns aux extrémités de la ville, force les autres de mettre bas les armes, et donne tout le temps à Larcius de faire entrer le reste des Romains dans Corioles.

La ville ainsi prise, la plupart des soldats s’arrêtaient à piller, et à faire du butin. À cette vue, Marcius est saisi d’indignation. « C’est une honte, leur crie-t-il, alors que le consul et les Romains qui l’accompagnent sont peut-être aux prises avec les ennemis, de vous en aller cherchant çà et là de quoi vous enrichir, ou de vous soustraire au danger sous prétexte de butin à faire ! » Mais le plus grand nombre fut sourd à ses remontrances. Pour lui, il court, avec ceux qui le veulent suivre, sur la route qu’a tenue l’autre armée. Sans cesse il presse ses compagnons de hâter le pas : il les exhorte à ne pas ralentir leur ardeur ; il prie instamment les dieux de permettre qu’il arrive non point après le combat, mais assez à temps pour partager avec ses concitoyens les dangers de la journée. C’était l’usage, en ce temps-là chez les Romains, quand ils étaient rangés en bataille, et qu’ils n’avaient plus qu’à prendre leur bouclier et à ceindre leur casaque, de faire leur testament de vive voix, en nommant leur héritier devant trois ou quatre de leurs camarades. Les soldats étaient en présence de l’ennemi, et ils s’occupaient à ce devoir, lorsque Marcius arriva. Les premiers qui l’aperçurent suivi de quelques hommes seulement, et tout