Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/526

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savoir se passer des richesses que d’en faire un bon emploi.

Quand les acclamations de la foule et le bruit eurent cessé, Cominius, s’adressant aux soldats : « Compagnons, dit-il, vous ne pouvez forcer Marcius à recevoir des présents qu’il ne veut pas accepter. Mais donnons-lui une récompense qu’il ne puisse refuser ; et décernons-lui le nom de Coriolan, si toutefois l’exploit même ne le lui a point déjà donné avant nous. » Depuis ce jour, Coriolan fut le troisième nom de Marcius. Ce fait met en lumière l’usage des Romains. Ils avaient d’abord un nom propre, ainsi Caïus ; le deuxième nom, Marcius par exemple, était le nom de la maison ou de la famille ; le troisième s’ajoutait plus tard aux deux autres : on le tirait ou d’une action particulière, ou d’un événement, ou du caractère, ou de la figure, ou de quelque vertu[1]. C’est ainsi que, chez les Grecs, certaines actions ont fait donner les surnoms de Soter[2], de Callinicus[3] ; une singularité physique, ceux de Physcon[4], de Grypus[5] ; une vertu, ceux d’Évergète[6], de Philadelphe[7] ; la fortune, celui d’Eudémon[8], que porta le second des Battus. Il y eut des rois qui reçurent des surnoms satiriques : par exemple, Antigonus fut appelé Doson[9], et Ptolémée, Lathyrus[10]. Cette dernière espèce de surnoms a été la plus commune chez les Romains. Ainsi ils ap-

  1. Le surnom d’un individu passait quelquefois à toute sa lignée, comme celui de Caton, de Cicéron, de Pictor ; en sorte que les membres de certaines familles avaient réellement deux noms fixes, et ne se distinguaient les uns des autres que par le surnom : ainsi les frères Marcus et Quintus Tullius Cicéron et leur cousin Lucius Tullius Cicéron.
  2. Sauveur.
  3. Victorieux.
  4. Ventru.
  5. Qui a le nez aquilin.
  6. Bienfaiteur.
  7. Aimant ses frères.
  8. Heureux. Battus était roi de Cyrène.
  9. Devant donner, ou prometteur.
  10. Pois chiche ; d’autres écrivent Lamyrus, bouffon.