Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/552

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tions de la raison. C’est ce qu’on voit en plusieurs passages :

Mais j’ai conçu ce projet dans mon cœur magnanime[1] ;


et encore :

Il dit ; et le fils de Pélée est saisi de dépit : son cœur,
Dans sa poitrine velue, se partage entre deux pensées[2] ;


et enfin :

…… Mais elle ne put
Séduire le vertueux et vaillant Bellérophon[3].


Mais, dans les circonstances extraordinaires et périlleuses, où nous avons besoin d’une sorte d’inspiration et d’enthousiasme, le dieu qu’Homère fait intervenir ne nous ravit point notre liberté : au contraire, il la met en mouvement. Le dieu n’opère pas l’exercice de notre volonté, mais il excite en nous des images et des idées qui nous déterminent ; qui ne font pas que nos actions soient involontaires, mais qui donnent naissance à un acte de notre volonté, et qui y ajoutent la confiance et l’espoir. Car il faut ou refuser aux dieux toute influence sur nos actions, ou reconnaître qu’ils n’ont pas d’autre moyen de secourir les hommes et de coopérer avec eux. Les dieux ne manient point notre corps ; ils ne font pas mouvoir eux-mêmes nos mains et nos pieds, à mesure que le besoin l’exige : c’est à l’aide de certains principes de nos opérations, c’est par certaines images, certaines pensées, qu’ils éveillent la faculté active de notre âme, et qu’ils sollicitent notre libre arbitre, ou, dans d’autres cas, qu’ils les détournent ou les retiennent.

  1. Odyssée, chant IX, vers 299.
  2. Iliade, chant I, vers 188, 189.
  3. Iliade, chant VI, vers 162, 163. Plutarque citait de mémoire ; et quelques-uns de ces vers ne sont pas tout à fait conformes au vrai texte d’Homère.