Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/252

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Caton, méprisant leur petit nombre et leur sécurité, ordonne aux trompettes de sonner, et s’élance en avant, l’épée à la main, et poussant le cri de guerre. Dès qu’ils voient les Romains descendre des montagnes, ils prennent la fuite, gagnent le camp du roi, et jettent partout le trouble et l’épouvante. Cependant Manius, du pied des montagnes, donne l’assaut, avec toutes ses troupes, aux retranchements d’Antiochus, et force le passage. Antiochus, blessé à la bouche d’un coup de pierre qui lui brise les dents, cède à la douleur et tourne bride. Aucune partie de son armée n’ose plus tenir tête aux Romains ; et, malgré la difficulté de la fuite dans des lieux escarpés, presque impraticables, environnés de marais profonds et de rochers à pic, ils se jettent dans ces détroits, se poussant les uns les autres, et, pour éviter les blessures et le fer des ennemis, courant à une mort inévitable.

Caton, comme il me paraît, n’était pas homme à jamais se refuser des louanges à lui-même ; il regardait la jactance personnelle comme une suite naturelle des grandes actions : aussi relève-t-il les exploits de cette journée avec une extrême emphase. Il dit que ceux qui l’avaient vu alors poursuivre et frapper les ennemis avaient avoué que Caton devait moins au peuple romain que le peuple romain à Caton ; que le consul Manius, encore tout bouillant de sa victoire, l’ayant embrassé, échauffé qu’il était lui-même du combat, le tint longtemps serré entre ses bras, et s’écria, dans un transport de joie : « Ni moi, ni le peuple romain nous ne pourrons jamais égaler nos récompenses aux services de Caton ! »

Aussitôt après le combat, il fut envoyé lui-même à Rome pour y porter la nouvelle du succès. Sa traversée fut heureuse jusqu’à Brundusium ; de là il se rendit en un jour à Tarente, d’où, après quatre jours de marche,