Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/260

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quoi je n’ai pas de statue, que si on demandait pourquoi j’en ai une. » En un mot, il ne voulait pas même qu’un bon citoyen souffrît une louange qui ne témoignerait pas de services rendus au public.

C’était cependant l’homme qui se louait le plus lui-même ; au point que, lorsque les citoyens avaient fait des fautes dans leur conduite, et qu’on les en reprenait : « Il faut, disait-il, les excuser ; car ils ne sont pas des Catons. » Voyait-il des gens qui essayaient maladroitement d’imiter quelques-unes de ses actions : « Ce sont, disait-il, des Catons bien gauches. » Il se vantait que, dans les conjonctures critiques, le Sénat tenait les yeux attachés sur lui, comme dans la tempête les passagers sur le pilote ; que plus d’une fois, quand il était absent, on avait remis jusqu’à son retour la décision des affaires les plus importantes. Au reste, c’est un témoignage que d’autres lui rendent : il est certain qu’il s’était acquis dans Rome, par la sagesse de sa conduite, par son éloquence et sa vieillesse, une grande autorité.

Il fut bon père, bon mari, homme entendu à faire profiter son bien, et qui ne croyait pas que le soin de notre avoir fût chose petite ou basse et qu’on dût faire par manière d’acquit. Aussi, ne sera-t-il pas, je crois, hors de propos de dire ici, de sa vie privée, ce qui se rapporte à mon dessein.

Il avait épousé une femme plus noble que riche, persuadé que si la noblesse comme l’opulence inspirait également à une femme l’orgueil et la fierté, une femme d’une naissance illustre aurait du moins plus de honte de ce qui serait malhonnête, et serait plus soumise à son mari dans les choses honnêtes. Un homme qui battait sa femme ou ses enfants portait, selon lui, des mains impies sur ce qu’il y avait de plus saint et sacré au monde. Il estimait plus méritoire d’être bon mari que grand sénateur. Ce qu’il admirait uniquement dans l’antique