Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/34

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sommet de la colline. Arrivés là, les Corinthiens quittèrent leurs boucliers et se reposèrent. Le soleil mit en mouvement les vapeurs et les attira ; le brouillard s’épaissit sur le haut des montagnes, et les enveloppa comme un nuage : la plaine, au contraire, se dégagea ; et la rivière de Crimèse parut à découvert. On vit distinctement les ennemis qui la passaient. Ils avaient placé à la tête de l’armée les chars à quatre chevaux, préparés pour le combat avec un appareil formidable ; ces chars étaient suivis d’un corps de dix mille hommes de pied, qui portaient des boucliers blancs. À l’éclat resplendissant de leurs armes, à la lenteur, au bon ordre de leur marche, on reconnaissait que c’étaient des Carthaginois. Après eux venaient en grande foule les autres nations : ceux-ci faisaient leur passage avec beaucoup de confusion et de désordre.

Timoléon observa que la ravière lui donnait la facilité de n’attaquer que le nombre d’ennemis qu’il voudrait, et fit remarquer à ses soldats que l’armée des Carthaginois était séparée en deux, qu’une partie avait déjà passé le Crimèse, et que les autres se disposaient à le faire. Il ordonne à Démarétus de prendre avec lui la cavalerie, de tomber brusquement sur les Carthaginois, et de culbuter leurs bataillons avant qu’ils eussent le temps de se mettre en ligne. Pour lui, il descend dans la plaine, place aux deux ailes les troupes de Sicile mêlées avec une partie des soldats étrangers, met autour de lui, au centre, les Syracusains avec les plus braves de ses mercenaires, et s’arrête quelque temps pour considérer les opérations de sa cavalerie. Les chars qui couraient sur le front de bataille empêchaient les cavaliers de pénétrer jusqu’aux Carthaginois ; de peur d’être mis eux-mêmes en désordre, ils sont obligés de tourner continuellement et de se rallier souvent pour revenir à la charge. À cette vue, Timoléon prend son bouclier : « Suivez-moi, crie-t-il à ses fantassins ; et pas de crainte ! » Il y avait,