Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/485

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de sacrifier à Ammon ; que, de son côté, il se hâta de partir en Libye, pour se rendre le dieu propice. Mais on croyait généralement que le dieu n’était pour lui qu’un prétexte : le vrai motif de son voyage, c’était la crainte qu’il avait des éphores, et son impatience du joug qu’il lui fallait subir à Sparte : incapable de se plier à l’obéissance, il avait besoin de voyager et d’errer de côté et d’autre, comme un coursier qui vient de quitter les pâturages et la prairie où il bondissait en liberté, pour retourner à la crèche, et qu’on ramène à ses travaux ordinaires. Quant au motif qu’Éphore donne à ce voyage, je le rapporterai dans un instant. Ayant obtenu à grand’-peine et après bien des instances son congé des éphores, il s’embarqua.

Dès qu’il fut parti, les rois tirent réflexion que Lysandre, à la faveur des sociétés qu’il avait formées dans les villes, les tenait toutes dans sa main, et qu’il était, par ce moyen, le seigneur et le maître absolu de la Grèce. Aussi entreprirent-ils de chasser ses amis, et de remettre l’autorité souveraine entre les mains des hommes du peuple. Il se fit à cette occasion un grand mouvement dans la Grèce ; et les Athéniens qui occupaient Phylé, en profitèrent pour attaquer les Trente et les vaincre. Lysandre, à cette nouvelle, revient en toute hâte, et persuade aux Lacédémoniens de soutenir les oligarchies, et de punir la rébellion des peuples. On commence par envoyer aux Trente cent talents[1] pour continuer la guerre, et on leur donne Lysandre pour général. Mais les rois, qui lui portaient envie, et qui craignaient qu’il ne prît une seconde fois Athènes, convinrent que l’un d’eux se chargerait de cette expédition. Pausanias partit donc, en apparence pour soutenir les tyrans contre le peuple, mais en réalité pour terminer la guerre, et empêcher que Lysandre,

  1. Environ 600,000 fr. de notre monnaie.