Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/162

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rêts. Pour les repas auxquels il avait des convives invités, sa table était simple et n’avait rien que de populaire ; il est vrai que cette simplicité était relevée par une propreté et un gracieux accueil, plus agréables que ne l’eût été la somptuosité même.

Pour ce qui est de l’étude des lettres, il s’appliqua particulièrement à l’art oratoire, et au genre qui est utile à plus de monde. Devenu un des plus habiles orateurs romains de son temps, il surpassa par l’étude et le travail ceux que la nature avait doués plus heureusement que lui. Il n’y avait pas, dit-on, d’affaire si petite, si peu importante, qu’il n’y vînt bien préparé. Quelquefois pourtant, quand Pompée, César, ou Cicéron refusaient de parler dans une affaire, il lui arriva de remplir le rôle de défenseur. Cela le faisait aimer comme un homme obligeant et secourable. On aimait aussi la politesse et l’affabilité toute populaire avec laquelle il présentait la main et saluait ; car jamais il ne rencontrait un Romain qui le saluât, à qui, si petit et de si basse condition qu’il fût, il ne rendit le salut en l’appelant par son nom. Il était, dit-on, très-versé dans l’histoire, et il avait acquis quelques connaissances en philosophie par l’étude des écrits d’Aristote, et par les leçons d’Alexandre[1]. Cet Alexandre était un homme d’une nature douce et patiente : sa manière d’être avec Crassus nous en donne la mesure. En effet, il serait difficile de dire s’il était plus pauvre quand il entra chez Crassus, ou quand il en sortit. Seul de ses amis, il l’accompagnait toujours dans ses voyages ; et il recevait pour la route un costume de voyage, qu’au retour Crassus lui redemandait. Ô prodige de patience ! Et pourtant Alexandre ne professait point

  1. Probablement celui qui lut surnommé Polyhistor, à cause de la variété de ses connaissances, et qui vécut du temps de Sylla ; il était, selon les uns, de Milet, selon les autres, de Cotyée en Phrygie.