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CIMON.

dant quatre mois ; et il resta en outre pour le trésor public une quantité d’or considérable.

Cimon était revenu fort riche de ses expéditions ; et cette opulence qu’il avait honorablement conquise sur les ennemis, il la dépensait plus honorablement encore au soulagement des citoyens. Il fit enlever les clôtures de ses domaines, afin que les étrangers et ceux des Athéniens qui en auraient besoin allassent sans crainte y cueillir des fruits. Il avait tous les jours chez lui un souper simple, mais suffisant pour un grand nombre de convives : tous les pauvres qui s’y présentaient étaient reçus, et y trouvaient une nourriture qui ne leur coûtait aucun travail, et qui leur permettait de vaquer tout entiers au soin des affaires publiques. Suivant Aristote, ce souper n’était pas pour tous les Athéniens sans distinction, mais seulement pour ses compatriotes du dème de Lacia. Il avait toujours à sa suite deux ou trois domestiques très-bien vêtus ; et, lorsqu’il rencontrait quelque vieillard en haillons, il lui faisait donner l’habit d’un de ses gens ; et il n’y avait point de pauvre citoyen qui ne tînt à honneur d’être l’objet d’une telle libéralité. Ces mêmes domestiques portaient sur eux beaucoup de menue monnaie ; et, s’ils voyaient dans la place quelque honnête indigent, ils s’approchaient, et lui mettaient discrètement dans la main quelque pièce. C’est à cette conduite généreuse que le poëte Cratinus[1] semble faire allusion dans ses Archiloques, en ces termes :

Et moi je me flattlais, moi Métrobius le greffier,
Que cet homme divin et le plus hospitalier du monde,
Le premier entre tous les Grecs en toutes vertus,
Cimon enfin, me ferait passer heureusement ma vieillesse dans une douce abondance,
À ses côtés jusqu’à la fin de mes jours. Mais Cimon
M’a laissé ; il est parti avant moi.

  1. Poëte de l’ancienne comédie, contemporain de Cimon.