Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/305

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ses morts emportés tous sur leurs armes. Il y avait des ennemis qui s’étaient réfugiés dans le temple voisin : il commanda qu’on les laissât tous échapper. Près de là en effet était le temple de Minerve Itonienne[1], devant lequel s’élevait un trophée dressé jadis par les Béotiens, qui, sous la conduite de Sparton, avaient vaincu en cet endroit les Athéniens et tué Tolmide[2]. Le lendemain au point du jour, dans le but d’éprouver si les Thébains renouvelleraient le combat, il ordonna aux soldats de mettre des couronnes sur leurs têtes, aux musiciens de jouer de la flûte, à tous d’élever et d’orner un trophée pour monument de la victoire. Les Thébains lui envoyèrent demander la permission d’enlever leurs morts ; il conclut avec eux une trêve, et, la victoire ainsi assurée, il se fit transporter à Delphes, où l’on célébrait à cette époque les jeux pythiques. Il y fit la procession en l’honneur du dieu, et consacra la dîme du butin qu’il rapportait de l’Asie, et qui monta à cent talents[3].

De retour dans sa patrie, il y fut chéri de ses concitoyens, et fort considéré à cause de ses mœurs et de sa manière de vivre. On ne le voyait pas, comme la plupart des chefs d’expéditions, revenir de la terre étrangère tout autre qu’il n’était parti, entièrement changé par les mœurs des Barbares, rejetant les coutumes de son pays, et refusant de s’y conformer. Non ; autant que les Spartiates qui jamais n’avaient passé l’Eurotas, il aimait, il affectionnait les usages en vigueur ; et il ne changea rien à ses repas, à ses bains, à la parure de sa femme, aux ornements de ses armes, au luxe de sa maison : il y laissa toujours les mêmes portes, qui étaient pourtant si vieilles,

  1. C’est dans ce temple, ainsi nommé d’Itonus, fils d’Amphictyon, que les Thébains tenaient leur assemblée générale.
  2. Voyez la Vie de Périclès dans le premier volume.
  3. Environ six cent mille francs de notre monnaie.