Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/243

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que, toutes les fois que Démétrius viendrait à Athènes, on le recevrait avec les mêmes offrandes qu’on faisait à Cérès et à Bacchus, et que celui des Athéniens qui surpasserait les autres par l’éclat et la magnificence de ses dons recevrait une somme d’argent, prise sur le trésor public, pour en faire une offrande aux dieux. Enfin, on changea le nom du mois Munychion en celui de Démétrion ; le dernier jour du même mois, appelé la veille de la nouvelle lune, prit celui de Démétriade, et la fête des Dionysiaques celui de Démétriaques.

Les dieux témoignèrent, par plusieurs signes, combien ils étaient offensés de ces honneurs sacrilèges : le voile sacré sur lequel les Athéniens, par un décret public, firent broder les portraits d’Antigonus et de Démétrius avec ceux de Jupiter et de Minerve, fut déchiré en deux par un ouragan. Et, comme on le portait en pompe le long du Céramique, il poussa tout à coup, autour des autels élevés à Démétrius et à Antigonus, une grande quantité de ciguë, plante assez rare dans le territoire de l’Attique. Le jour où l’on devait célébrer la fête des Dionysiaques, il survint, malgré la saison, une gelée et un verglas si fort, qu’on fut obligé de remettre la cérémonie, et que, non-seulement les vignes et les figuiers furent brûlés par le froid, mais la plus grande partie des blés qui étaient encore en herbe. Le poëte Philippide[1], ennemi de Stratoclès, fit contre lui, à cette occasion, les vers suivants dans une de ses comédies :

C’est grâce à lui que la gelée a brûlé les vignes ;
C’est grâce à son impiété que le voile de Minerve s’est déchiré en deux :
Oui, c’est parce qu’il a décerné à des hommes les honneurs dus aux dieux seuls.
Voilà la cause des fléaux qui frappent le peuple, et non point la comédie.

  1. Poëte de la nouvelle comédie