Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/40

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providence particulières, lui envoyèrent une mort prompte et douce, pour le soustraire à la cruauté des Macédoniens.

Il mourut le 16 du mois Pyanepsion[1] jour le plus triste de la fête des Thesmophories[2], celui où les femmes jeûnent jusqu’au soir, assises à terre dans le temple de la déesse. Peu de temps après, le peuple athénien rendit à sa mémoire les honneurs qu’il méritait : on lui éleva une statue de bronze, et l’on décréta que l’aîné de ses descendants serait, à perpétuité, nourri dans le Prytanée. On grava sur le piédestal cette inscription si connue :

Si ta force, Démosthène, avait égalé ton génie,
Jamais le Mars macédonien n’eût commandé dans la Grèce.

Ceux qui veulent que Démosthène ait fait lui-même cette inscription à Calaurie, avant de prendre le poison, ne savent vraiment ce qu’ils disent. Mais voici une aventure qui était arrivée, me dit-on, peu de temps avant mon voyage d’Athènes. Un soldat, appelé en justice par son capitaine, mit tout ce qu’il avait d’argent dans les mains de la statue de Démosthène, qui avait les mains jointes et les doigts entrelacés. Un petit platane avait poussé près de là, dont les feuilles, ou poussées par le vent, ou placées par le soldat lui-même, sur les mains de la statue, cachèrent longtemps l’or qu’il y avait mis en dépôt. Le soldat, à son retour, retrouva sa somme. La chose fit du bruit dans la ville ; et plusieurs beaux esprits composèrent à qui mieux mieux des vers sur le désintéressement de Démosthène.

Démade ne jouit pas longtemps de sa gloire nouvellement acquise : la justice divine, qui voulait venger la

  1. Ce jour correspond, pour cette année, la troisième de la 114e olympiade, à notre 11 novembre.
  2. Fêtes en l’honneur de Cérès législatrice.