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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

fondes d’ailleurs, et qui, sous son scalpel, finit par réduire en poussière quelques-uns des plus beaux monuments du génie humain.

Heyne, Wolf, Fr. Thiersch et d’autres auxquels le savant philologue hollandais Ruhnkenius avait préludé, vers le milieu du xviiie siècle, n’ont vu, dans la Théogonie qui porte le nom d’Hésiode, qu’une compilation indigeste, et chargée d’interpolations, de lambeaux poétiques, empruntés à des chants nombreux que possédait l’antiquité sur l’origine des dieux et sur celle du monde. Ces lambeaux de dates, d’auteurs et de caractères différents, auraient été cousus ensemble et jusqu’à un certain point transformés par la main assez malhabile d’un poète, Hésiode ou un autre, qui les remania, en se méprenant fréquemment sur le sens véritable de ces documents anciens, et en traitant comme histoire ce qui n’était au fond qu’allégorie physique ou morale. Ainsi, d’une part, on refuse au poème, tel qu’il est, jusqu’à l’apparence de l’unité de composition ; on lui refuse l’organisation intérieure d’une œuvre d’art ; d’autre part on dénie à son auteur, s’il est autre toutefois qu’un ignorant Rhapsode ou un simple Diascévaste, toute intelligence des matériaux qu’il a employés, par conséquent tout moyen de les disposer d’après leur signification réelle et leurs rapports intimes.

Notre thèse, on l’a vu jusqu’ici, est précisément le contraire de celle-là. Nous pensons qu’il y a dans la Théogonie un organisme vivant pour le fond comme pour la forme, non pas une compilation morte et sans idée. Il s’agit maintenant