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Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/190

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POÉSIES DE BURNS.


Avec des pots mousseux qui se buvaient divinement.
Et à son coude, le cordonnier Johnny,
Son ancien, fidèle, altéré ami ;

Tam l’aimait vraiment comme un frère.
1ls avaient été ivres des semaines de suite !
La soirée avançait à force de chansons et de bavardage,
Et toujours l’ale devenait meilleure :
L’hètesse et Tam commençaient à ètre gracieux ;
On en était aux faveurs secrètes, douces, précicuses ;
Le cordonnier contait ses plus plaisantes histoires ;
Le rire de l’hôte faisait soudain chorus :
L’orage en dehors pouvait bruire et hurler —
Tam ne se souciait pas plus de l’orage que d’un sifflet.
Le Souci, enragé de voir un homme si heureux,
Se noyait lui-même dans l’olei

Comme les abeilles volent à la ruche avec leur précieux fardeau,
Les minutes ailècs se suivaicnt chargées de plaisir :
Les rois peuvent ètre fortunés, mais Tam était glorieux,
Et victorieux de tous les maux de la vie.
Mais les plaisirs sont comme des pavots épanouis,
Vous saisissez la fleur, ses feuilles se dispersent,
Ou comme les flocons de neige dans la rivière
Blancs un instant— puis fondant à jamais ;
Ou comme l’aurore boréale

Qui s’enfuit avant que vous en puissiez marquer la place ;
Ou comme l’aimable forme de l’arc-en-iel
S’évanouissant au milieu de l’orage.—
Nul homme ne peut entraver le temps ni la marée ; —
L’heure approche où Tam doit être à cheval :
À cette heure, clef de la voûte noire de la nuit,
À cette heure terrible, il monte sur sa bête ;
Et il se met en route par une nuit telle
Que jamais pareille nuit ne vit dehors un pauvre pécheur.
Le vent soufilait comme s’il eût rendu son dernier souffle ;
De retentissantes ondées étaient poussées par la bourrasque ;
L’ombre avalait les rapides lueurs ;
Haut, long et profond mugissait le tonnerre :
Cette nuit, un enfant aurait compris
Que le Diable avait de la besogne en main.
Bien monté sur Mey, sa jument grise,
Une meilleure jambe, il ne s’en était jamais levé,
Tan courut à travers marcs ct bourbiers,
Méprisent le vent, le pluic et le feu ;
Tantôt tenant ferme sa belle toque bleue,
Tantôt fredonnant quelque vicux sonnot écossais ;
Tantôt regardant à l’entour avec un soin prudent,
De peur que lcs esprits ne le happent au dépourvu ;
Kirk-Alloway s’approchait