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xiv
NOTICE SUR BURNS

contagion, je ne puis le dire. Vous autres médecins, vous parlez beaucoup d’infection par respiration, par attouchement, etc… mais je ne lui dis jamais expressément que j’étais amoureux d’elle. En vérité, je ne savais pas moi-même pourquoi j’aimais tant à rester en arrière avec elle le soir, au retour du travail ; pourquoi les notes de sa voix faisaient vibrer les cordes de mon cœur comme une harpe éolienne, et particulièrement pourquoi mon pouls battait si fort quand j’approchais l’œil et le doigt de sa petite main, pour en extraire les cruels piquants de la ronce ou du chardon.

» Entre autres qualités séduisantes, elle chantait avec tant de charme ! C’est sur son reel favori que j’essayai mes premiers vers. Je n’étais pas assez présomptueux pour m’imaginer qu’ils vaudraient ceux imprimés, composés par des hommes qui savaient le grec et le latin. Mais ma belle chantait une chanson faite, disait-on, par le fils d’un petit laird de campagne sur une des filles en service chez son père, et dont il était amoureux ; et je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas rimer aussi bien que lui, car, au total, il n’était pas plus savant que moi.

» Tel fut mon début en amour et en poésie, ma plus vive et parfois ma seule jouissance. Mon père, à force de courage, ayant atteint l’époque de la résiliation de son bail, entra dans une plus grande ferme, environ dix milles plus loin dans le pays. Son marché était de nature à lui procurer quelque peu d’arsent comptant au commencement de son bail : autrement l’affaire eût été impraticable. Pendant quatre années, nous y vécûmes assez à notre aise. Mais une difficulté s’étant élevée entre lui et son propriétaire, après avoir été ballotté trois ans dans le tourbillon de la chicane, mon père fut sauvé tout juste, des horreurs d’un emprisonnement, par une consomption qui, après deux années de promesses, voulut bien le visiter enfin, et l’emporter « où les méchants ces-