sent de tourmenter, et où les fatigués sont en repos. »
» C’est à l’époque où nous vécûmes sur cette ferme que ma petite histoire est le plus remplie d’événements. Au commencement de cette période, j’étais peut-être le garçon le plus emprunté, le plus gauche de la paroisse. Nul solitaire n’était moins au fait des voies du monde. Ce que je savais d’histoire ancienne, je le tenais des grammaires géographiques de Salmon et de Guthrie ; et les idées que je m’étais formées sur les mœurs modernes, sur la littérature et la critique, je les devais au Spectateur. Ajoutez-y les œuvres de Pope, quelques pièces de Shakspeare, Tull et Dickson, sur l’agriculture ; le Panthéon païen ; l’Essai de Locke sur l’entendement humain ; l’Histoire de la Bible, de Stackhouse ; le Guide du jardinier breton, par Justice ; les lecons de Bayle, les œuvres d’Allan Ramsay, la Doctrine de l’Écriture sur le péché originel, par Taylor ; un Recueil choisi de chansons anglaises, et les Méditations de Hervey, et vous aurez toutes mes lectures. Le Recueil de chansons était mon vade-mecum. Tout en conduisant ma charrette ou me rendant à l’ouvrage, je les dévorais, chanson par chanson, vers par vers, distinguant soigneusement le vrai tendre ou sublime de l’affectation et de l’ampoulé. Je suis convaincu que je dois à cette habitude beaucoup de mon habileté de critique, telle quelle.
» Dans ma dix-septième année, pour me dégourdir un peu, j’allai à une école de danse de campagne. Mon père avait une antipathie inconcevable contre ces réunions, et c’est contrairement à ses désirs que j’y allais, ce dont je me repens encore aujourd’hui. Mon père, je l’ai déjà dit, était sujet à de grands emportements : depuis cette désobéissance, il me prit dans une sorte de grippe ; ce qui, je crois, fut une des causes de la dissipation de mes années subséquentes. — Je dis dissipation, comparativement à la sobriété et à la stricte régularité de vie des presbytériens de campagne. Car, bien que les feux