Aller au contenu

Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
29
POÉSIES DE BURNS.

Vous aurez, si cette date arrive, je parie un sou,
Quelques lubies de moins dans la tête.

LE NOUVEAU PONT.


Vieux Vandale, vous ne faites que montrer votre peu de savoir-vivre.
Vous n’en savez pas long avec votre maigre bon sens.
Est-ce que votre pauvre chaussée étroite,
Où deux brouettes tremblent lorsqu’elles se rencontrent,
Votre masse informe et ruinée de pierre et de chaux
Peuvent se comparer aux beaux ponts du temps moderne ?
Il est des hommes de goût qui prendraient le Ducat-Stream[1],
Quand ils devraient jeter leur chemise et nager,
Plutôt que d’avoir les sens choqués de la vue
De votre vilaine carcasse zothique.

LE VIEUX PONT.


Buse suffisante, bouffe de vain orgueil !
Voilà bien des années que je résiste au flux et au reflux ;
Et quoique à force de décrépitude je sois en bien manvais état, :
Je serai un pont quand vous serez un informe amas de pierres :
Jusqu’ici vous n’avez pas vu grand chose,
Mais deux ou trois hivers vous instruiront mieux.
Quand de lourdes, sombres, continuelles pluies de toute une journée
Inonderont les plaines d’un vaste déluge ;
Quand des montagnes d’où sort le bruyant Coïl,
De celles où bouillonnent les sources moussues de l’imposant Lugar,
De celles où le Greenock serpente dans les landes,
De celles d’où le Garpal, hanté par les esprits, tire son faible filet d’eau,
Réveillée par les vents tumultueux et les dégels salissants,
En maint torrent descendra la neige fondue ;
Tandis que les glaçons qui craquent, portés sur l’avalanche rugissante,
Ralayeront et détruiront tout, écluses, moulins et ponts ;
Et que, depuis Glenbuck[2] jusqu’à Ratton-Key[3],
La vieille Ayr ne sera qu’une mer immense et tumultueuse, —
Alors vous vous écroulerez : du diable si jamais vous vous relevez !),
Et vous ferez jaillir les eaux boueuses jusqu’aux cataractes du ciel :
Triste leçon qui vous apprendra, à vos dépens,
Que le noble art de l’architecture est perdu.

LE NOUVEAU PONT.


Belle architecture, vraiment, je dois le dire !
Dieu soit loué que nous n’en sachions plus la route :
Des édifices maigres, affreux, attirant les fantômes ;
Suspendus en saillie menaçante, comme des précipices ;
Des cavernes toutes voûtes, moisics, inspirant la tristesse ;

  1. Gué connu, juste au-dessus du vieux pont.
  2. Source de la rivière d’Ayr.
  3. Petit endroit de débarquement au-dessus du grand
    quai.