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POÉSIES

Qui s’est imaginé que ma mélancolie
Vient moins d’une santé dès long-temps affaiblie
Que du reproche amer qu’en secret je me fais
De n’être plus assez jolie
Pour faire naître encor quelque tendre folie,
Frivole honneur, sur quoi je ne comptai jamais.
Apprenez, me disait ce quelqu’un anonyme,
Que, lorsque ce qu’on a de beau
Est du temps ou des maux devenu la victime
Il faut, pour acquérir une nouvelle estime,
Se faire un mérite nouveau ;
Que c’est ne vivre plus que de vivre inutile ;
Qu’il faut, dans quelque rang qu’on soit,
Que jusqu’au dernier jour une personne habile
Tienne au monde par quelque endroit.
Vous ne répondez point. D’où vient votre silence ?

Il vient, lui dis-je alors exprès pour découvrir
Où tendait cette belle et sage remontrance,
De ce qu’en moi-même je pense
Quel mérite nouveau je pourrais acquérir.
Je n’en vois point, tant je suis sotte.

Abus, s’écria-t-il ; hé ! devenez dévote.
Ne le devient-on pas à la ville, à la cour ?