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COMMENTÉ PAR ANDRÉ CHÉNIER.

suite d’observations ; car je ne répéterai pas, à l’occasion de quelques réflexions critiques, ce qui a déjà été placé partout avec bien plus d’à propros. Depuis les deux notes où, dans son immortel ouvrage, dans le livre du dix-neuvième siècle, M. de Chateaubriand, ce juste dispensateur de la gloire, annonça au monde littéraire un grand poète de plus, on n’a rien laissé à dire sur cet infortuné jeune homme que les lettres pleureront éternellement. Que serait ma faible voix après toutes les autres ? Je restreindrai donc mes propres remarques sur l’écrivain, comme sur l’homme, à ce qui me sera suggéré par la direction de l’espèce d’analyse que j’entreprends.

La première pensée qui frappe l’esprit, madame, après avoir lu ce commentaire, c’est qu’il n’est pas l’œuvre d’un commentateur de profession, d’un homme qui a pris la plume uniquement pour en initier d’autres dans les secrets de l’art dont il est ou se croit un des maîtres. L’on sent, dès l’abord, que c’est un poète, et un poète d’un ordre supérieur, qui, cherchant dans un de ses pairs les beautés dont il porte en lui le germe, témoigne tout son enthousiasme lorsque la pensée poétique est rendue avec bonheur, exprime son désappointement quand l’auteur lui semble avoir failli, produit enfin son opinion personnelle sur les points qui peuvent être douteux. Mais ce qui étonne le plus, madame, c’est la science, l’esprit d’analyse, la maturité de ce commentateur de dix-neuf ans ; car, bien que plusieurs de ces notes paraissent avoir été faites à des époques différentes, il en est une qui porte la date de 1781. Certes, il est plus facile, tout le monde le sait, d’enfanter à cet âge un chef-d’œuvre que d’écrire quelques pages empreintes d’une saine et froide raison. Cet avantage, il faut savoir le laisser aux écrivains d’un âge plus mûr ; lorsqu’on est à la fois et jeune