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LIVRE I.

Aussi ne veut-il pas, cependant qu’on attache
À celui qui l’a fait des épines au front.

Au point accoutumé les oiseaux qui sommeillent,
Apprêtés à chanter dans les bois se réveillent ;
Mais voyant ce matin des autres différent,
Remplis d’étonnement ils ne daignent paroître,
Et font à qui les voit ouvertement connoître
De leur peine secrète un regret apparent.

Le jour est déjà grand, et la honte plus claire
De l’Apôtre ennuyé l’avertit de se taire,
Sa parole se lasse, et le quitte au besoin ;
Il voit de tous côtés qu’il n’est vu de personne ;
Toutefois le remords que son ame lui donne,
Témoigne assez le mal qui n’a point de témoin.

Aussi l’homme qui porte une ame belle et haute,
Quand seul en une part il a fait une faute,
S’il n’a de jugement son esprit dépourvu,
Il rougit de lui-même ; et, combien qu’il ne sente
Rien que le ciel présent et la terre présente,
Pense qu’en se voyant tout le monde l’a vu[1].

  1. Il est plaisant de voir Malherbe, comme son modèle, se travailler à finir chaque strophe par un trait d’esprit, presque toujours ridicule, du moins par la place qu’il occupe. A. Chénier.