Page:Poésies de Schiller.djvu/64

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« Tu as tué, dit-il, d’une main courageuse le dragon qui ravageait cette contrée. Tu es devenu un dieu pour ce peuple et tu es devenu un ennemi pour notre Ordre. Ton cœur a enfanté un monstre pire que ce dragon. Il a enfanté la vipère qui empoisonne l’âme, qui produit la discorde et la perdition. Il a enfanté l’esprit de révolte qui se soulève audacieusement contre la discipline, qui brise les liens sacrés de la loi et qui détruit le monde.

« Le mamelouk montre aussi du courage : mais l’obéissance est la parure du Christ. Car, aux lieux où Notre-Seigneur apparut dans sa nudité sur ce sol sacré, nos pères fondèrent cet Ordre pour accomplir le plus difficile des devoirs, celui de dompter sa propre volonté. Une vaine gloire t’a ému, retire-toi de moi. Car celui qui ne porte pas le joug du Christ, ne doit pas être paré de sa croix. »

À ces mots, la foule éclate : un tumulte violent retentit dans le cloître ; tous les chevaliers demandent grâce pour leur frère. Le jeune homme baisse les yeux en silence. Il se dépouille de son vêtement, baise la main sévère du maître et se retire. Celui-ci le suit du regard, puis le rappelle avec affection et lui dit : « Embrasse-moi, mon fils ! tu as soutenu le plus rude combat ; prends cette croix, c’est la récompense de l’humilité d’une âme qui sait se vaincre elle-même. »