Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/201

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étaient postées comme d’habitude, et même Neptune ne nous signala rien de suspect. Nous nous préparions à faire feu sur les sauvages, quand Misquasch (notre nouvel interprète, le fils de Waukerassah) nous dit que les Assiniboïns ne nous voulaient pas de mal, qu’ils nous faisaient entendre par signes qu’ils n’avaient pas d’intentions hostiles. Nous ne pouvions nous empêcher de penser que la capture de notre bateau était une singulière façon de nous montrer de l’amitié. Nous tenions cependant à savoir ce que ces gens désiraient de nous. Nous dîmes à Misquasch de leur demander pourquoi ils nous avaient attaqués. Les sauvages répondirent par de grandes protestations de respect et nous découvrîmes finalement qu’ils n’avaient pas dessein de nous assaillir. Ils étaient seulement venus satisfaite une curiosité ardente qui les consumait, et qu’ils nous supplièrent d’assouvir. Il paraît que les deux Indiens de la veille, ceux dont la conduite nous avait tant surpris, avaient été saisis d’étonnement par la figure fuligineuse de notre ami Tobie. Ils n’avaient jamais entendu parler auparavant d’un nègre, de sorte que leur stupéfaction n’était pas tout à fait sans cause. De plus, Tobie était un moricaud aussi laid que possible, ayant tous les traits distinctifs de sa race, les lèvres épaisses, de gros yeux blancs en saillie, un nez camard, de longues oreilles, un ventre en pot à tabac, et les jambes cagneuses. Quand les deux sauvages racontèrent ce qu’ils avaient vu, dans leur village, personne n’avait voulu les croire, et ils étaient sur le point de perdre toute considération, d’être traités comme des menteurs et des trompeurs, quand ils propo-