Page:Poe - Eureka trad. Baudelaire 1864.djvu/265

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plus se révolter contre une Douleur que nous nous sommes imposée nous-mêmes, pour l’accomplissement de nos propres desseins, — dans le but, quelquefois futile, d’agrandir le cercle de notre propre Joie.

J’ai parlé de Souvenirs qui nous hantaient pendant notre jeunesse. Ils nous poursuivent quelquefois même dans notre Virilité ; — ils prennent graduellement des formes de moins en moins vagues ; — de temps à autre ils nous parlent à voix basse, et disent :

« Il fut une époque dans la Nuit du Temps, où existait un Être éternel, — composé d’un nombre absolument infini d’Êtres semblables qui peuplent l’infini domaine de l’espace infini. Il n’était pas et il n’est pas au pouvoir de cet Être, — pas plus qu’en ton pouvoir propre, — d’étendre et d’accroître, d’une quantité positive, la joie de son Existence ; mais, de même qu’il est en ta puissance d’étendre ou de concentrer tes plaisirs (la somme absolue de bonheur restant toujours la même), ainsi une faculté analogue a appartenu et appartient à cet Être Divin,