Page:Poe - Eureka trad. Baudelaire 1864.djvu/266

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qui ainsi passe son Éternité dans une perpétuelle alternation du Moi concentré à une Diffusion presque infinie de Soi-même. Ce que tu appelles l’Univers n’est que l’expansion présente de son existence. Il sent maintenant sa propre vie par une infinité de plaisirs imparfaits, — les plaisirs partiels et entremêlés de peine de ces êtres prodigieusement nombreux que tu nommes ses créatures, mais qui ne sont réellement que d’innombrables individualisations de Lui-même. Toutes ces créatures, toutes, celles que tu déclares sensibles, aussi bien que celles dont tu nies la vie pour la simple raison que tu ne surprends pas cette vie dans ses opérations, — toutes ces créatures ont, à un degré plus ou moins vif, la faculté d’éprouver le plaisir ou la peine ; — mais la somme générale de leurs sensations est juste le total du Bonheur qui appartient de droit à l’Être Divin quand il est concentré en Lui-même. Toutes ces créatures sont aussi des Intelligences plus ou moins conscientes ; conscientes, d’abord, de leur propre identité ; conscientes ensuite, par faibles éclairs, de leur identité avec l’Être Divin dont nous