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Page:Poilay - Souvenirs d'un engagé volontaire, 1907.pdf/170

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Un cantonnier du chemin de fer avait eu l’idée de débiter aux soldats le résidu d’une barrique de piquette. Bien moins pour boire du vin que pour avoir le droit d’approcher du poêle et de rester quelques instants dans une atmosphère chaude, ceux d’entre nous qui avaient quelques sous se cotisaient pour payer, entre huit ou dix, une bouteille de cet horrible liquide qu’on nous comptait un franc. La clientèle augmentait sans cesse et, au fur et à mesure qu’elle se développait, le vin changeait de couleur : il pâlissait. Je l’ai vu, de rouge déjà clair, passer par toutes les gammes du rose, arriver au saumon et finir enfin par être tout à fait incolore.

Le pauvre diable, dénué de toute ressource, acquérait de l’industriel qui savait si bien décolorer le vin, le droit à une heure de chaleur en apportant un fagot de bois mort pour alimenter ce poêle tant convoité.