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Page:Poilay - Souvenirs d'un engagé volontaire, 1907.pdf/172

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semaines que cela ne m’était arrivé ! Pour comprendre la sensation délicieuse que j’en avais éprouvée, il faut avoir en souvenir, sinon sous les yeux, une image célèbre de Gustave Doré représentant le Juif errant enlevant ses chaussures le jour du Jugement dernier.

J’avais enveloppé mes pauvres pieds endoloris dans une bonne brassée de paille fraîche et placé les bottes derrière moi. Cette nuit-là me fut une nuit réparatrice que rien ne vint troubler. Mais, au matin, quand je voulus prendre mes chaussures, voilà qu’un grand froid était survenu. Tout imprégnées de neige fondue, les bottes avaient gelé. Elles étaient dures comme de la pierre et je les aurais brisées en voulant les forcer. Loye, qui partageait ma paille, me dit alors :

— Mets mes souliers et va chez le cantonnier faire dégeler tes chaussures.

Me voilà parti, ses souliers mis en pan-