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Page:Poilay - Souvenirs d'un engagé volontaire, 1907.pdf/225

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souvenir, une profonde et pénible impression. Je venais de prendre la garde et je relevais les factionnaires. J’allais placer le no 1, un jeune Alsacien, nommé Sick, grand, mince, blond, la physionomie douce, presque imberbe. Celui qu’il devait remplacer gisait dans une mare de sang. C’était à l’endroit le plus exposé, à l’angle du fort, en vue de la terrible batterie d’Essert qui nous a fait tant de mal. On avait mis là une pièce énorme, une pièce de 36 qui allongeait son grand cou au-dessus du parapet et fournissait aux artilleurs ennemis un incomparable point de mire.

Dès le premier jour, ils l’avaient descendue de son affût et elle n’avait jamais tiré, mais elle restait toujours là comme pour les narguer. Elle leur servait de cible et ils la criblaient du matin au soir. Le soldat dont je faisais enlever la dépouille n’était pas la première victime de ce poste dangereux.