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pondre. Après une émouvante manifestation de concorde nationale, la séance fut suspendue. Je m’étais efforcé de parler avec calme et sang-froid ; j’avais voulu que mes observations fussent aussi simples et aussi sobres que possible. Je n’avais pas laissé échapper une seule phrase oratoire, pas un seul mot à effet. Mais ce que je disais répondait à un sentiment parlementaire et public si puissant que, pendant mon discours, qui dura plus d’une heure, le religieux silence de mon auditoire ne fut coupé que par des applaudissements de plus en plus chaleureux. Dans les huit colonnes de l’Officiel, on chercherait en vain la moindre interruption. Le 25 janvier, M. Paul Cambon m’écrivait de Londres : « Permettez-moi de vous féliciter de votre grand succès de lundi. Votre discours a fait beaucoup d’effet ici. Tout le monde m’en fait compliment. On est frappé de l’unanimité des applaudissements qui vous ont salué ; nos divisions habituelles sont si connues qu’on est stupéfait de cet accord de tous les partis. Ce beau résultat vous est dû, car, avec tel ou tel autre, on sait bien que c’eût été une déroute et vous avez conquis une autorité dont nous allons à l’étranger éprouver les effets ; tous les représentants de la France vous doivent leur gratitude[1]. »

Si je m’attarde à ces détails, c’est que la presse germanophile, alors très puissante en Italie, a immédiatement altéré le sens de mon discours et

  1. Cette citation et celles que j’aurai l’occasion de faire dans la suite répondent péremptoirement aux dialogues qu’on a publiés sous le titre de Carnets de M. Georges Louis et qui ont déjà provoqué les démentis catégoriques de MM. Jules Cambon et St. Pichon. M. Paul Cambon, mort avant cette publication, y répondra par sa correspondance officielle et privée.