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LA COMMISSION DU SÉNAT

pour moi et pour celles si amicales que vous avez adressées à mon pays.

« Veuillez agréer mes meilleurs compliments. « Tom. Tittoni. »

J’ai derechef assuré l'éminent ambassadeur que le gouvernement de la République s’efforcerait toujours de consolider notre amitié avec l’Italie, comme il le recommandait lui-même, en lui donnant un support plus solide qu’un sentiment platonique et en l’appuyant de notre mieux sur une conception pratique des intérêts mutuels. On verra, en effet, que plusieurs fois dans l’année, M. Tittoni et moi, nous avons essayé, tous deux, comme Léonard, de marier l’idéal et la réalité, et cette dernière ne s’en est pas trop mal trouvée. M. Isvolsky a, d’ailleurs, rapporté assez exactement dans une de ses lettres[1] une conversation que j’avais eue avec lui sur les rapports de la France et de l’Italie en 1912 : « Depuis 1902, lui avais-je dit, nous savons que l’Italie ne s’associera pas à une attaque contre nous. Comme nous sommes bien résolus à n’attaquer personne, nous avons renoncé à toute concentration militaire sur la frontière italienne. J’ai, du reste, de fortes raisons de croire que l’Italie ne doute pas elle-même de notre amitié. Je suis convaincu qu’elle considère aujourd’hui la Russie et la France comme ses meilleures amies et qu’elle attend même, dans ses difficultés actuelles, plus d’aide de nous que de ses alliés. Mais je pense, comme M. Sazonoff, que nous

  1. Lettre du 24 mai/6 juin 1912. Sibbert, p. 468. — Livre noir t. Ier, p. 265.