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LA VICTOIRE

communique aussi, mais officieusement, un plan de Pétain en date d’hier, non encore transformé en ordre, mais bien inquiétant : première partie très sage : préparation d’une masse de manœuvre pour contre-attaquer dans la direction de Péronne, ou, s’il le faut, d’Amiens, pendant que nous essayons d’enrayer la marche ennemie. Deuxième partie, singulière : si Amiens est pris et si l’armée française est coupée de l’armée britannique, ces deux conditions se trouvant toutes deux remplies, le G.A.R. manœuvrant à l’ouest du G.A.N. se replierait en pivotant sur son aile droite, pendant que se préparerait la contre-attaque. Ce serait donc à nouveau la rupture systématique des deux armées. Ce plan doit être aujourd’hui communiqué à Foch. Pétain est en effet venu avec Clemenceau auprès de Foch. Que va produire cette délibération nouvelle ?

Léon Bérard m’apprend que les explications de Clemenceau à la Commission de l’armée ont été bien accueillies. Il y a, paraît-il, reparlé de la bataille sur la Loire et de Charles VI.

Le général Pau, le glorieux blessé de 1870, est nommé président de la Croix-Rouge.

Le maréchal Joffre, que j’ai prié de venir causer avec moi ce matin, considère que la prise d’Amiens ayant pour conséquence de nous couper des Anglais, ce serait la fin de la guerre. Il déclare qu’il avait prévu tout ce qui se passe avec Pétain. « Pétain et Anthoine manquent, dit-il, l’un et l’autre de caractère. »

Il conseille de donner à Foch le commandement effectif sur Pétain. Il croit qu’il ne faut pas porter toutes nos réserves devant Amiens, mais en conserver une partie pour contre-attaquer du sud au nord dans le flanc droit des Allemands.

Les Allemands ont encore progressé et l’on se bat dans Montdidier.