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LE RECOURS EN GRACE DE BOLO

couper les deux armées ; c’est aussi maintenant l’avis de Pétain.

De Breteuil à Tartigny, où se trouve le général de Mitry avec un corps d’armée, puis à Quiry-le-Sec, où est le général Naulin avec sa division.

Je trouve chez ce dernier Renaudel et Abel Ferry, délégués de la Commission de l’armée. Ils n’ont pas perdu une minute pour profiter de l’autorisation de Clemenceau. Ils sont comme chez eux et restent présents pendant que je cause avec le général. Ils me parlent des petits tanks qu’ils ne jugent prêts ni comme matériels ni comme hommes et que, sous l’influence du général Estienne, ils ne veulent pas laisser engager dès maintenant. Du reste, Estienne a également gagné sa cause auprès de Pétain, et Loucheur ne sera certainement pas obéi. Il pleut et les routes sont affreusement boueuses. Nous nous arrêtons sur celle de La Faloise pour déjeuner dans nos automobiles. À La Faloise, Q. G. de Mangin, qui, toujours aussi ardent, déclare que si l’on n’attaque pas les Allemands et si l’on ne reprend pas l’initiative des opérations, on commettra une faute capitale. Chez lui comme chez Pétain, les opinions sont surtout affaire de tempérament, mais les deux tempéraments sont violemment opposés.

Mangin m’accompagne à Esclainvillers, assez bombardé pour que le général y soit installé dans une cave. C’est lui qui me reçoit, et je décore un officier et un sous-officier qui se sont vaillamment conduits dans les derniers combats.

De là, à Sourdon, fortement bombardé par des 210. Nous laissons nos autos aux lisières et de Sourdon nous allons à pied à travers champs jusqu’à un groupe de batteries de 75 fortement contrebattues. De la pointe du bois, nous voyons, malgré la pluie, le parc de Grivesnes où, les Allemands et nous, nous sommes face à face et où la