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MOUVEMENTS DE GRÈVES

sibles. Je ne puis même pas toucher une feuille de papier. »

Loucheur donne des renseignements sur les grèves. Elles sont malheureusement importantes. Certains ouvriers de l’État mettent en avant qu’ils veulent être renseignés sur les buts de guerre du gouvernement ; mais, en réalité, ils veulent protester contre l’envoi des jeunes classes au front. L’ordre d’appel a été remis dans les usines pour 11, 12 et 13. Loucheur a chargé le colonel Weill d’entrer en rapports avec les délégués ouvriers et de leur expliquer la nécessité de cet appel. Ils ont répondu en réclamant communication des buts de guerre. C’est évidemment un mot d’ordre pacifiste. Il n’a pas été écouté partout, mais le mouvement a été tenté à la fois sur plusieurs points du territoire et il y a à Paris une quarantaine de mille grévistes. Clemenceau, Loucheur et Pams ont eu plusieurs réunions. Clemenceau, qui avait dit au commandant Challe en montrant le poing qu’il serait très ferme, expose ce matin au Conseil les dangers de la manière forte et la supériorité de la manière douce. Je fais remarquer au Conseil que le mouvement a une évidente connexité avec la campagne pacifiste que tolère la censure et que les avocats du Bonnet rouge invoquent en ce moment même par comparaison en faveur de leurs clients. Leygues signale à ce propos les articles du Manchester Guardian, dont on distribue la traduction dans les arsenaux. Clemenceau répond qu’à la suite des articles publiés par ce journal anglais sur l’affaire autrichienne, il a fait expulser son correspondant parisien. L’arrêté a-t-il été réellement pris ? Je l’ignore.

Sans m’avoir pressenti, Pichon propose au Conseil de remplacer en Norvège Chevalier par Bapst. Il m’explique ensuite à l’oreille que Che-