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LA CAMPAGNE DÉFAITISTE

Loucheur a choisi le commandant Weill, qui est bien et que connaissent les ouvriers. Moi, j’aurais pu envoyer Lallemand, puisqu’il est auprès de moi, mais décidément, il est incapable. Alors on m’a indiqué quelqu’un que je ne connais pas beaucoup, bien qu’il soit un sous-chef de cabinet. Il s’appelle Burnier. Alors, voici le papier que je lui ai remis et Loucheur en a fait autant avec Weill. » Il me montre un papier qui porte : « Nous, président du Conseil, ministre de la Guerre, mandons et ordonnons à tous chefs militaires et civils d’obéir en toute circonstance à M. Burnier, chargé d’assurer l’ordre, etc… » Bref, une seule formule exécutoire dépossédant, par simple acte ministériel, des fonctionnaires nommés par décret. « Pams, continue-t-il, a d’abord protesté ; il est accouru me voir et me dire : « Que faites-vous ? Tout cela est irrégulier. » Mais il a fini par se rendre. S’il ne s’était pas rendu, il serait parti.

— Mon cher président, lui dis-je, je ne puis me dispenser de vous donner franchement mon avis.

— Donnez.

— Tout se paie. Les grèves et les désordres sont la conséquence de la campagne défaitiste que font certains journaux et de la liberté laissée à certains syndicats de sortir de leur rôle coopératif. Le mal se propage de plus en plus. Vous devriez, d’une part, faire agir la censure ; d’autre part, faire poursuivre les délits qui se commettent et qui restent impunis.

— Pour poursuivre, il faut des témoins ; on ne les trouve pas toujours. Quant à la censure, non, ne m’en parlez pas. Je sais bien que les députés recommencent à la réclamer, mais ils se trompent. Je vous l’ai déjà dit : Vous avez tort de lire les journaux, moi, je ne les lis pas.

— Mais les ouvriers les lisent.