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LA VICTOIRE

Loire. Maringer téléphone à Sainsère qu’on est sur la piste d’agents allemands et suisses qui auraient distribué des fonds à Péricat. Loucheur me donne la même information, mais aucun télégramme ne m’a été communiqué. Il y a, d’après Loucheur, une quarantaine d’arrestations. Clemenceau annonce au Comité de guerre que les ouvriers rentrent et que les grèves sont terminées. Il ajoute, avec un bel optimisme, sincère ou affecté, je ne sais : « Tout est bien, tout est bien. »

Après la séance, Loucheur me montre un ordre du jour voté par le groupement ouvrier de la Loire, demandant au gouvernement un armistice immédiat et une déclaration à la Chambre sur les buts de guerre. Les auteurs de cet ordre du jour sont, du reste, parmi les ouvriers arrêtés. Le caractère politique du mouvement paraît donc bien déterminé.

Nous en parlons après le comité avec Loucheur, Lebrun, Leygues, Dumesnil et Klotz. Tous se plaignent de la liberté laissée à la propagande par la presse et y voient la cause de ces mouvements. Lebrun en a été, dit-il, averti par des patrons de la Loire favorables aux ouvriers. Il en avait, du reste, prévenu Clemenceau il y a quelque temps en Conseil. Ces patrons disaient : « Que fait donc le gouvernement ? » Clemenceau a annoncé qu’il allait suspendre et poursuivre en Conseil de guerre l’Excelsior’. « Tant pis, a-t-il déclaré, pour la famille Dupuy. » Il reproche à ce journal d’avoir publié ce matin, malgré la défense de la censure, la photographie d’un nouveau tank américain. Publication, en effet, très répréhensible. Mais Clemenceau aime mieux être sévère pour ses amis que pour ses adversaires ou pour les ouvriers. Il a suspendu récemment la Voix Nationale de Sancerme. Il a poursuivi le général Denvignes, c’est contre ses défenseurs que se