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LA VICTOIRE

pensées. Cependant il m’a dit avec insistance : « Je sais bien que, volontairement, vous ne me tireriez pas dans le dos, et vous ne voudriez pas me gêner, et c’est ce que je disais à Klotz en venant. » Quoi qu’il en soit, ne voulant sous aucun prétexte que, surtout à l’heure présente, il puisse être énervé ou troublé dans son action gouvernementale déjà, hélas ! si saccadée, je suis bien résolu à continuer de l’aider de mon mieux.

À cinq heures, thé offert aux huit jeunes normaliennes de Saint-Amarin, venues à Paris et descendues à l’École normale des Batignolles, dont quelques élèves les accompagnent.

Promenade mélancolique dans le jardin.

Les officiers de liaison me disent que la percée allemande s’exerce surtout dans la direction de Château-Thierry. Notre offensive doit se faire demain dans le flanc droit de l’ennemi. Mais par suite d’une indiscrétion criminelle, m’assure confidentiellement Deschanel devant Dubost, cette attaque qu’on m’annonce seulement ce soir très mystérieusement encore, était connue de tous et faisait l’objet de toutes les conversations aujourd’hui dans les couloirs de la Chambre.

Dubost et Deschanel renoncent pour le moment à l’idée de venir au Comité de guerre, mais ils demandent à avoir une conférence avec Clemenceau. Ils sont très préoccupés de ce qui suivra l’arrêt de l’offensive. Si nous attendons une troisième attaque et si les Allemands nous enlèvent encore trente kilomètres de profondeur, ils tiendront Paris sous leur feu. Et alors, dit Deschanel, que fera-t-on ? Restera-t-on dans une ville constamment bombardée ? Comment les Chambres y siégeront-elles ? Pourra-t-on continuer la guerre dans ces conditions ? Et Dubost, de son côté, déclare : « Cette fois, le gouvernement ne pourra partir sans l’autorisation des Chambres, et il n’ob-