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LA VICTOIRE

commandement de Pétain ; il m’a fait dire hier par les officiers de liaison qu’il désirait causer avec moi.

Je pars donc en auto, seul avec le général Duparge. Pétain m’attend dans le beau parc de la propriété qu’il habite. Nous nous enfermons pendant une heure dans son cabinet, avec les cartes sous les yeux.

Pour la première fois, je le trouve tout à fait confiant. Il me dit : « J’avais songé, comme les Anglais, à abandonner la Belgique et même Dunkerque, et à raccourcir notre front pour libérer des divisions. Mais aujourd’hui je reconnais que cette idée ne s’impose plus. Les cinq divisions américaines que le général Foch me donne pour l’Est facilitent beaucoup les choses. Je n’ai, d’ailleurs, plus qu’à me louer du général Pershing. Nos rapports sont excellents. Les troupes américaines sont très bonnes et lorsqu’elles se battent à côté des nôtres, il y a une émulation plus féconde.

« Nous pouvons tenir, je crois, devant Paris. Évidemment, si nous étions attaqués à Verdun ou dans l’Est par surprise, nous serions forcés d’abandonner du terrain, mais j’espère maintenant que nous pouvons traverser la période critique sans trop de dommage. Après, les choses iront bien. Le concours américain compense, à mes yeux, et fort au delà, la défaillance russe. »

Pétain me parle ensuite de Paris que, lui aussi, veut défendre énergiquement ; mais, dit-il, la défense de Paris se fait sur le front et, à ce point de vue, il regrette que Clemenceau remplace Dubail par Guillaumat.

Au retour, Pétain m’accompagne à quelques kilomètres de Chantilly, jusqu’à la propriété où le général Maistre a son poste de commandement. Pétain y a pris rendez-vous avec lui et avec Fayolle. J’entre un instant pour leur serrer la main. Fayolle