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la victoire

breux et suffisamment organisés pour une action offensive puissante, destinée à faire sentir leur force aux Allemands et à commencer ce châtiment. »

Albert Thomas vient me parler encore de Kerensky, que, dit-il, on risque de mécontenter à force de le tenir à l’écart. Kerensky se loue de l’amabilité avec laquelle je l’ai reçu. Mais il trouve que politiquement, j’ai été très réservé vis-à-vis de lui. Thomas lui a expliqué que je ne pouvais pas me séparer du gouvernement. Mais il voudrait que Pichon le reçût de nouveau et l’écoutât. Thomas est très mécontent des obstacles que met Wilson à une action énergique en Sibérie.


Dimanche 21 juillet.

Journée passée dans l’attente des opérations. Nous progressons, mais lentement. Nous semblons avoir laissé les Allemands repasser la Marne sans les serrer de très près. Dégoutté cependant réoccupe Château-Thierry.

Avec de Mitry, il rejette les Allemands à sept kilomètres de ce poste avancé de la Champagne.


Lundi 22 juillet.

Dans la matinée, longue conversation avec Clemenceau. Il est allé à Château-Thierry et il me fait avec grande émotion le récit de son voyage. Je lui dis, au cours de l’entretien, que le moment serait peut-être venu de nommer Foch maréchal de France et de donner la croix de guerre à Pétain. « Oui, me répond-il, je ne voulais pas encore vous en parler, mais c’est mon avis. Je crois bien, à vrai dire, que c’est une illégalité que de nommer des maréchaux, mais… — Mais, dis-je, si c’est une illégalité, la seconde sanctionnera la première. — À la bonne heure ! Voilà du bon langage politique ! »