Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/305

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fesse que le président du Conseil lui a causé quelques désillusions dans l’affaire du prince Sixte et dans le projet de loi sur les fautes des généraux. (À ce sujet, la commission de législation de la Chambre vient elle-même de donner une leçon au gouvernement : elle a remplacé les deux hommes politiques par deux conseillers à la Cour de cassation. C’est une légère amélioration. Mais on a nommé M. Paul Meunier rapporteur et cette seule désignation donne un caractère inquiétant au projet de loi.)

Nous revenons à Châlons et visitons près de la gare le foyer installé par la Croix-Rouge américaine pour les permissionnaires : salle à manger, salles de jeux, salle de repos, le tout agréablement organisé.

La malheureuse ville de Châlons est aujourd’hui à demi détruite, tant par les bombes d’avions que par des obus de canons à longue distance.

Gouraud me demande quel a été le moment le plus pénible pour moi depuis le début de la guerre. Je lui raconte mes inquiétudes des 24, 25 et 26 mars dernier. Il ne comprend pas qu’on ait pu songer à abandonner Paris.

Je déjeune dans la maison qu’il occupe à Châlons et qui a été très endommagée par des bombes. Il a invité ses chefs de corps et quelques officiers. Il me demande discrètement s’il peut prononcer un toast. Je le remercie et le prie de s’abstenir. Déjeuner sans cérémonie, sans allocution, très cordial.

Aussitôt après, je pars en auto avec Duparge pour Épernay, où m’attend le général Berthelot. Épernay a des quartiers entiers détruits par les bombes. Le général Berthelot, toujours très optimiste, croit que les Allemands vont se replier sur leurs anciennes positions de l’Aisne. En attendant, ils résistent vigoureusement sur la Vesle.