Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/320

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monde venu à la gare et une compagnie commandée pour rendre les honneurs ont vite déjoué toutes les tentatives d’incognito et déjà une foule assez dense se trouve massée pour me recevoir et m’accueille par des acclamations.

Nous montons dans de vieilles automobiles fermées qui ont un air minable et nous nous rendons au nouveau bassin de radoub, à peu près achevé, qui est déjà en mesure d’être utilisé. De là, nous allons voir de nouvelles citernes à mazout, les locaux de l’École navale, actuellement vides à cause des vacances, des flottilles de torpilleurs et de sous-marins, le centre des ballons captifs ; [les « saucisses » rendent sur mer autant de services que sur terre] ; elles sont remorquées par les torpilleurs qui accompagnent les convois et elles forment ainsi des observatoires aériens ambulants. Au delà de ces installations, et toujours le long de la rade, les Américains ont bâti une série de hangars pour leurs hydravions qui commencent à arriver et dont les moteurs font un bruit du diable au-dessus des bâtiments à l’ancre.

Nous revenons en ville et nos autos nous conduisent, à travers des rues de plus en plus peuplées, au milieu de vivats grandissants, jusqu’à l’hôpital maritime, situé sur une hauteur qui domine le port et l’arsenal. Là, j’ai la surprise de rencontrer mon vieux et cher patron, le bâtonnier Du Buit, au chevet d’un de ses fils blessé.

Dans le pavillon des contagieux, je visite la salle des malades atteints de grippe espagnole. Cette maladie a fait des ravages à Brest. La mortalité a été très forte.

Un vieux Breton en costume auprès de son fils et une vieille femme en bonnet auprès du sien. Je leur adresse quelques mots et un sourire de satisfaction éclaire leurs faces ridées.

Nous déjeunons dans le train garé sur le quai