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CONSÉQUENCES DE LA PAIX ROUMAINE

— C’est au gouvernement de décider ; mais il doit savoir ce qu’il veut. »

Finalement, on décide de faire savoir aux Alliés que l’avis de la France est de laisser les chargés d’affaires.

Incident analogue à propos de la Roumanie. Saint-Aulaire demande que, la paix signée, je télégraphie au roi, et Clemenceau au président du Conseil, pour dire que nous ne reconnaissons pas cette paix. « Ce n’est pas moi qui ferai cela, » s’écrie Clemenceau, et comme Leygues appuie l’idée de Saint-Aulaire, il se fâche et répond : « Alors, télégraphiez, vous, mais moi, je ne m’en charge pas ! Les conservateurs roumains ne voulaient pas capituler. Le roi et le gouvernement portent toute la responsabilité de cette capitulation. Je ne consentirai pas à renouveler envers eux les engagements qu’on avait pris pour le cas où ils se battraient. »

Autre question : Le général Berthelot demande s’il doit profiter de l’offre allemande de passeport. Je soumets cette demande au Conseil et fais voir tous les inconvénients de cette combinaison : adhésion indirecte à la paix roumaine, humiliation pour nos officiers, etc. Clemenceau m’approuve. Décision conforme.

Pichon propose de répondre favorablement aux adresses polonaises qui protestent contre les conditions de la paix russe et demandent pour la Pologne un accès à la mer.

Je fais remarquer que cette proposition est un peu en contradiction avec la reconnaissance éventuellement accordée, il y a quelques jours, à l’Esthonie, — en dehors du Conseil — et sans mon avis. Pichon, embarrassé, dit que cette reconnaissance était antérieure à l’occupation allemande et Clemenceau ajoute : « Je crois en effet que le Président de la République se trompe. » Je précise et