Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/113

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nous viennent du préfet de la Meuse, m’affligent d’autant plus qu’ils concernent des communes qui me sont particulièrement chères. À Breux, près de Montmédy, une patrouille de uhlans, sortie de Belgique, s’est heurtée à nos douaniers ; elle en a blessé deux, ainsi qu’un enfant de douze ans. D’autres éclaireurs, venant de la région messine, se sont glissés, au milieu des étangs et des boqueteaux de la Woëvre, jusqu’à ce village de Nonsard dont les habitants m’ont toujours été si fidèlement attachés. Les Allemands ont même pénétré plus loin dans cet arrondissement de Commercy, dont j’ai été si longtemps député, et dix d’entre eux ont été faits prisonniers aux environs de Montsec. Tous ces noms évoquent en moi des images familières, une plaine fertile aux pieds des coteaux, des vignes sur les pentes, des vergers autour des maisons, une population laborieuse et probe, parmi laquelle je compte tant de vieux et sûrs amis. La guerre est à peine commencée et voilà déjà l’ennemi au cœur de mon pays natal, à quelques kilomètres du logis champêtre où s’abritait, aux jours de paix, mon existence familiale.

On m’annonce, il est vrai, que dans les Vosges, nous tenons Sainte-Marie-aux-Mines, qui nous avait été vivement disputée. Nous avons, en outre, progressé dans cette pittoresque vallée de Schirmeck que ma femme et moi, nous avons naguère descendue, en automobile, avec de jeunes nièces, dans un voyage d’été. En Belgique, à Dinant, nous avons remporté un succès sur la division de la garde et sur la 1re division de cavalerie allemande. On m’apprend aussi que, le vendredi 14, notre 1er bataillon de chasseurs s’est emparé, devant Saint-Blaise, d’un drapeau ennemi ; et je