Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/168

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Villers-la-Leue. « On va, me dit le colonel Pénelon, s’efforcer d’arrêter les Allemands sur cette ligne. Mais l’offensive est brisée et la bataille des Ardennes est perdue. »

Le colonel Pénelon ne me cache pas que des fautes ont été commises. Il y a eu des défaillances individuelles et collectives, des divisions mal engagées, des déploiements téméraires et des reculs précipités, une usure prématurée des hommes, enfin une insuffisance tactique de nos troupes et de leurs chefs, soit dans l’emploi de l’infanterie, soit dans l’utilisation de l’artillerie. Peut-être quelques imprudences sont-elles imputables au G. Q. G. lui-même. Puisque notre concentration s’était trouvée, par suite de la violation de la neutralité belge, trop inclinée vers l’est et trop retardée vers le nord, il devenait dangereux de déclencher une offensive sur un terrain boisé très difficile, où les voies de communication sont peu nombreuses et où sont à craindre les attaques de flanc3. Mais notre état-major est resté imbu de cette idée, répandue par une école plus enthousiaste que prudente, que l’audace assure tous les succès et, avec cette doctrine de l’offensive quand même, il est malheureusement arrivé que, sur le champ de bataille, nous avons trop souvent négligé les moyens les plus élémentaires de sécurité. De jeunes saint-cyriens n’ont-ils pas marché au feu, en grande tenue, avec le casoar sur la tête ? Et un grand nombre d’entre eux sont tombés à la tête de leurs sections.

« Et à l’aile gauche ? » dis-je au colonel Pénelon. «