Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/172

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de brider ses nerfs et de patienter ? Comprendra-t-il ? Voudra-t-il ? Jamais, il est vrai, l’esprit national n’a été plus sain et plus pur. Mais la lassitude ne viendra-t-elle pas avec le temps, avec la souffrance, avec les deuils, avec toutes les horreurs de la guerre ? Nous sommes une nation brave, généreuse, primesautière. Saurons-nous être une nation tenace, endurante, obstinée ? Le devoir qui m’incombe est, en tout cas, très clair : garder, quoi qu’il m’en coûte, le front serein, refouler mes inquiétudes et veiller jalousement sur le moral du pays. Ce devoir, je le remplirai jusqu’au bout. Ce sera ma trop modeste façon de combattre pour la France, puisque je n’ai pas le droit de lui donner mon sang.



1. Télégramme de Saint-Pétersbourg, 23 août, n° 482.
2. C’était celle du général von Hausen.
3. Voir « Le Haut Commandement français et la bataille des Ardennes », par le général Palat, Revue d’histoire de la guerre mondiale, n° de janvier et d’avril 1928 (?)


Lundi 24 août

D’après les renseignements, toujours un peu voilés, qui nous arrivent du quartier général, la journée d’hier ne parait pas avoir été sensiblement meilleure dans l’Est que dans le Nord. Au demeurant, les télégrammes que nous recevons des pays neutres nous apprennent que les Allemands célèbrent déjà par de grandes manifestations leur victoire de Lorraine. Ce ne sont dans toutes leurs villes que pavoisements, illuminations et fanfares. Néanmoins la liaison est solidement établie depuis vingt-quatre heures entre notre 1re et notre 2e armées. La 1re, qui faisait face au nord-est, a été amenée par conversion face au nord et au nord-ouest. Elle a arrêté sa retraite dans la journée d’hier et a opéré sa jonction en équerre avec la 2e, qui est prête à se jeter dans le flanc de l’ennemi, s’il s’avance dans l’angle ouvert. Au nord-ouest de Saint-Nicolas-du-Port, des attaques