Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/173

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ennemies sur le Rembêtant ont encore. été repoussées.

Toute la matinée, nous viennent de la frontière belge des nouvelles alarmantes. Nous sommes avertis que l’ennemi est à six kilomètres de Jeumont. Tournai a été occupé hier par un détachement de trois mille hommes. Vingt mille Allemands passent à Saint-Genois, se dirigeant vers Menin, avec du matériel d’artillerie, des canons automobiles et des barques en aluminium. Des civils belges, chassés par l’invasion, descendent en foule de Philippeville et de Charleroi sur la France. Des patrouilles ennemies, suivies de forces importantes, pénètrent sur notre territoire par Aniévrechain et Blanc-Misseron. Ces informations nous arrivent au compte-gouttes pendant la séance du Conseil de défense. Devant le péril grandissant, M. Messimy s’assombrit et pressent une grande défaite. M. Viviani, qu’émeuvent si facilement de petites choses, se cuirasse contre les grandes. Il reste aujourd’hui tout à fait maître de lui. Il se plaint toutefois de M. Aristide Briand, qui, dit-il, ferait accuser plusieurs ministres d’insuffisance dans la presse et dans les couloirs des Chambres, et qui chercherait à lui forcer la main pour être admis dans le cabinet. M. Viviani croit toujours que la Chambre n’accepterait pas, en ce moment, le retour au pouvoir de l’homme, si éminent qu’il soit, qui a, il y a quelques mois, passé pour prendre parti contre les gauches et à qui le Havre a essayé de faire récemment une conduite de Grenoble. Mais vraiment en sommes-nous là ? et qui pense encore aux tempêtes qu’a soulevées le discours de Périgueux ? J’espère que nous n’allons pas raviver aujourd’hui d’aussi dangereux dissentiments.