Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/178

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il est toujours possible de résister aux assauts qu’on aventure en rase campagne.

Pour commencer, le général en chef envoie, dès aujourd’hui, à nos armées, l’ordre de se replier sur une ligne tirée d’Arras jusqu’au nord de Verdun et passant par Valenciennes, Maubeuge, Rocroi, Stenay. La plupart des ministres sont consternés de ces informations.

« Mon cher ami, dis-je à Viviani, il y a quelque chose qui fonctionne mal dans les rapports du commandement militaire et du gouvernement civil. Vous vous êtes plaint, et non sans raison, que le général en chef m’eût écrit ces jours-ci sans passer par le ministre de la Guerre. Lorsque j’ai signalé votre observation aux officiers de liaison, j’ai cru comprendre par leur réponse que le G. Q. G. se considérait, en temps de guerre, comme tout à fait indépendant du gouvernement et qu’il n’acceptait au-dessus de lui que l’autorité nominale et irresponsable du président de la République. Nous sommes d’accord, vous et moi, pour penser que cette prétention, si elle prenait corps, serait tout à fait contraire à l’esprit de nos institutions républicaines. Je suis bien sûr, d’ailleurs, que l’irréprochable loyalisme du général Joffre n’admettrait jamais qu’elle fût soutenue. Mais nous ne pouvons pas rester sans danger dans l’incertitude actuelle. Les lois de 1882 et de 1905 ont confié au ministre de la Guerre, c’est-à-dire à un membre du gouvernement, solidaire de ses collègues et responsable avec eux, l’administration de l’armée. C’est à lui de fournir au commandement les moyens d’action, matériel, fournitures, approvisionnements qui lui sont nécessaires. De même, c’est au gouvernement tout entier qu’il