Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/213

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ment n’est pas moins importante, puisque la main-d’œuvre, décimée par la mobilisation, manque un peu partout et que les transports militaires gênent et ralentissent les communications. Pour stimuler et surveiller les administrations compétentes, la bonté naturelle de Léon Bourgeois n’est pas moins utile que sa compétence d’ancien ministre de l’Hygiène et de la Prévoyance.

Mais voici qu’arrive en tempête M. Touron, vice-président du Sénat, représentant de l’Aisne. Dans une crise de surexcitation maladive, il est méconnaissable. Il prétend que l’état-major nous trompe ou n’est pas renseigné, que notre aile gauche est tournée et que les Allemands sont à La Fère. Les préoccupations qu’il m’exprime avec trop de véhémence sont celles que j’ai confessées, hier encore, aux officiers de liaison. Mais jusqu’à présent, malgré l’occupation de Péronne et de Saint-Quentin, le G. Q. G. n’éprouve pas d’inquiétudes sérieuses. Le colonel Pénelon vient, au contraire, de téléphoner à l’Élysée, de la part du général Joffre, que dans la journée d’hier, la situation s’est améliorée. Le bref communiqué de ce matin annonce même que la marche des Allemands s’est ralentie, mais il n’y parait guère et je comprends, en tout cas, que M. Touron, grand industriel de l’Aisne, ne soit pas rassuré. Pour ne pas augmenter ses alarmes, je lui cache mes appréhensions personnelles. Mais, au fond de moi-même, je ne suis pas beaucoup plus tranquille que lui et je me demande tout bas si l’optimisme tenace du G. Q. G. ne devient pas de l’aveuglement.

Successivement, nous apprenons qu’en Belgique