Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/245

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sauvegarde de l’humanité. Je ne doute pus que, vous demeurant ici, les ennemis de la France n’observent les lois de la guerre ; nous ne demandons pas davantage. Au surplus, la ville de Paris sera défendue par ses forts extérieurs et surtout par la valeur de l’armée à laquelle est confiée la protection du camp retranché19. »

En Conseil, j’essaie, une dernière fois, de faire au moins ajourner le départ du gouvernement ; il commanderait, en effet, le mien, puisque je ne puis rester seul, loin des ministres, constitutionnellement « découvert » et dépourvu, du reste, dans cette solitude, de tout moyen d’action. Je fais remarquer que, d’après ce que m’a dit hier le colonel Pénelon, les Allemands paraissent, d’ailleurs, momentanément négliger Paris. Mais, d’accord avec Joffre et avec Gallieni, Millerand répète que l’heure a sonné de partir et qu’il est impossible d’aller aux armées auparavant. Von Klück était hier à Compiègne. Il est aujourd’hui à Senlis et à Chantilly. Paris va être sous le canon de l’ennemi. Suivant l’ordre du général Maunoury, l’armée Maunoury a pris position sur le front nord du camp retranché. Elle a son quartier général à Tremblay. La présence du gouvernement dans la ville gêne l’action du commandement. Le cabinet se rend aux raisons militaires qu’expose, avec une forte conviction, le ministre de la Guerre, et il ne me reste qu’à m’incliner devant la décision prise. Il est entendu que, cette nuit même, on gagnera Bordeaux, où Millerand a déjà fait préparer nos cantonnements. Pourquoi la nuit ? J’aurais, du moins, voulu qu’on partit au grand jour, au